Nadja, Zara & C°

Comme je le disais, j’ai relu Nadja d’André Breton, lu il y a longtemps et dont j’avais oublié la quasi totalité du texte. Le temps a fait son ouvrage, et il me semble aujourd’hui pouvoir saisir un peu la teneur de ses mots, de son génie. Il faut passer quelque part pour que les mots prennent leur sens. Je retrouve le même processus en relisant Nietzsche ou Lautréamont, avec cette impression de proximité de pensée, de ressenti, et parfois des choses très bizarre comme des tonalités, des rythmes, des vibrations en adéquation. Comme une continuité entre nos psychés, traversant les expressions. Si j’écris ceci, c’est pour dire qu’on ne sait jamais, mais qu’on (se) découvre sans cesse. Ça tient à des facteurs simples ancrés en nous, comme la passion, la faim, la soif de vivre, le besoin de beauté et de tout ce qui nous élève. Même la folie. En revanche on peut jeter tout ce qui nous rabaisse au rang d’objet encombrant et inutile, ou d’outil utile pour une mécanique absurde. Là, il n’y a plus rien. Et dieu sait combien d’actes et de propos politiques, idéologiques, religieux ou scientifiques, ont réduit nos existences à rien. Pour quelle raison ces chapes de plomb furent posées sur nos têtes, nos corps, et volonté, engendrant une révolte contre les pouvoirs oppressifs, et rarement une lucidité sur les causes exactes produisant ces machineries infernales ? Se révolter contre la machine, renforce la puissance destructrice de celle-ci. C’est comme si nous nous trompions dans nos exercices et nos calculs, et ne trouvions pas la bonne porte ou la bonne clé. Tout reste verrouillé, et on se fait mal. On se fait mal également en rendant vers les lieux de la vérité, de la vie vraie, de la beauté, présente parmi nous à notre insu, mais dans cette optique on aura gagné quelques points.

Nous ne pouvons présumer de ce que le futur nous réserve. Quelles sont vos aspirations ?  Les vœux, souhaits, rêves, désirs, amours, tout cela se tient.

Le sel de la vie.

Cet art brut , ici Karl Appel, ces visages, aux apparences inesthétiques, sont pourtant empreintes de vie, de beauté vivante. Ça dit beaucoup, et cependant cela ne suffit jamais, il y a toujours ce besoin d’autres chants, d’autres formes. Toutes les diversités qui à la longue, nous enseignent, et nous enrichissent par delà les apparences. S’il n’y avait qu’un seul style, qu’une seule voix, l’existence fade serait notre perte dans sa monotonie uniforme. Même si une œuvre était belle, elle en perdrait sa beauté.

Le monde sans art ?

Comment voulez-vous qu’il tienne debout, qu’il respire si rien ne l’inspire ? Il se dessèche sur pieds, et tombe en poussière. L’art, est comme un fleuve de feu, un fleuve de sang qui coule dans nos veines, et nous ranime sans cesse. Art et Amour sont liés, comme Beauté et vérité. Ce ne sont pas des simples jeux de distractions, où nous rendons joli le décor, et cherchons à convaincre ou séduire le passant. L’art, ou disons, ces essais permanents de beauté, sont plus que des objets esthétiques, ou asservis à une cause dictée par des institutions, pour faire briller le lustre.
Les pages des livres d’histoire sont tournées. Nous voyons mieux nos passés, si peu glorieux, sans en avoir percé les mystères. Dans un sens, l’art est comme la science, un moyen pour découvrir les secrets du vivant, explorer, dessiner les cartes des univers en transformation. Et se modifient selon les lieux, les époques. Selon les événements ? à peine, parce que celui-ci passe. et que la vérité ne passe pas.
Si nous, ne sommes pas éternels, la vérité elle, l’est.
La question tient à si peu : voulons-nous ou non nous retrouver dans cet éternel, ou disparaître, comme disait Shakespeare , To be or not to be ? Au fond, rien n’est obligé, on choisit l’une ou l’autre option. Mais précisément personne n’a le droit de nous imposer son choix. Si nous éprouvons le besoin impérieux de voir et vivre encore mille ans, ici ou dans d’autres vies, ou que la sortie définitive de l’être, l’anéantissement nous motive, ce choix nous appartient.