Annihilé dès la naissance, écrasé par l’immensité et la puissance qu’il contemple depuis sa ridicule ouverture, faisant le constat amer de tout ce qu’il a perdu, cette impossibilité d’embrasser les espaces, se trouvant réduit et prisonnier du présent comme un grain de sable insignifiant dans le flux, comme s’il n’avait plus d’existence, il ressent la distance ou la séparation effective augmentées par la force de ses désirs, de ses appétits qui le rongent, ce qui passe et ne lui laisse rien d’autre que cette obligation de chasser, de marcher, se nourrir sans arrêt pour se maintenir dans cette état misérable et minimal, comme s’il était étranger dans un univers devenu hostile, en dépit de quelques réminiscences quand il rit ou pleure, qu’il est effrayé ou s’ennuie lamentablement sans rien comprendre de ce qu’il lui arrive, comme au premier jour dans cet univers désormais sans voix, malgré ses cris. Tout disparaît, tout semble se dissoudre et s’oublier. Alors il sème de grosses pierres.
Si nous nous souvenions de la totalité d’où nous sommes issus, dans l’état enclos où nous sommes nous ne pourrions la supporter, cela ne peut se faire que pas à pas, pour que nous ne soyons pas asphyxiés, comme des poissons sortent de l’eau.
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