Si la terre est vivante, c’est pour notre vie, pour que, partant de notre présence ici, en ce corps et en ce qui s’y trame, nous nous trouvions en vie, à des niveaux d’être supérieurs. Tout ce qui mine l’existant, oblitère la vie future et le destin.
Pourquoi ce que nous avons à accomplir, à comprendre, apprendre les uns des autres, sentir et éprouver, recevoir et donner, en deux mots tout ce qui vit en nous, et pourrait vivre en tous, pourquoi cela se finirait en apothéose et se réduirait en cendres ? Au nom de quelle transcendance cela aurait été annoncé comme un salut de la vie humaine ?
Si la terre vit, sa vie doit se poursuivre jusqu’à ce que tout soit accompli, pas avant. Il ne faut pas que tout succombe sous le feu des bombes. Cela nous fermerait les portes du ciel. Si la porte reste ouverte comme possible éternité c’est par le jeu du vivant et non du mort. Si nous nous trouvons vivants dans l’autre monde c’est grâce à ce monde vivant ici, par le soutien des vivants qui se retrouvent vivants sur l’autre rive, mais vivants d’une autre vie, sans présumer sous quelle forme. L’ouverture se produit et progresse au cours de notre existence et non plus à notre mort. Ce qui fut fait « intérieurement » en nous, se poursuit en nous « extérieur », dans cet autre monde.
Même dans la maladresse des mots exprimés cela doit pouvoir se comprendre. Dans ce sens et cet esprit, ce ne sont pas les discours politiques qui font nous éclairer sur ce qui se passe en notre esprit, et en conscience. Aucun discours n’a cette vertu de nous faire franchir la ligne d’horizon et de faire en sorte que nous passions.
Il y faut l’effectivité de l’âme vivante. Et de la mémoire.
Le mort demeure dans le passé, notre passé est mort. Notre futur ne devrait pas l’être. S’il y a encore quelque espoir, si nous pouvons espérer que la terre soit sauvée, c’est par le miracle « christique » présent en germe dans chaque être humain, et par conséquent en chaque être conscient, à ses divers degrés de conscience. Cela nous indique qu’il s’agit d’un tout. Sans qu’il y ait un au-delà réel, mais que cet au-delà est bel et bien là. Autrement dit sans rupture effective, sauf si nous ne passons pas, si nous ne savons pas comment faire pour passer, et si nous ne voulons pas. Nous retomberions dans le mort. Il nous faudrait reprendre tout à nos débuts, comme si nous avions effacé nos mémoires.
Pourquoi donc y a t’il un tel diabolisme dans ce monde qui en devient obscur et nous ferme la voie ? Cela ne signifie-t-il pas que nous n’avons que notre lumière pour pouvoir nous faire vivre, sans avoir recours à une puissance extérieure ? Là où nous trouvons précisément ces lumières, à condition de s’y rendre. Et pour s’y rendre il a bien fallu une main pour nous y amener. Autrement dit le sauveur te sauve si tu veux te sauver. C’est d’abord toi qui te sauve, ce n’est pas sans ta volonté, sans toi, ou contre toi et ta volonté. Ce n’est écrit nulle part que tu dois te sauver. Et non plus que tu peux imposer un salut à ceux qui n’en veulent pas.
Nous aurons beau faire, ce ne sont pas les lettres qui vont pouvoir agir sur nous, et nous éclairer, il faut aussi du son et de l’action. Ranimant nos âmes endormies. Ranimant nos morts, ou notre mort, ce qui est mort en nous. Ce mort qui nous fait mourir au lieu de vivre.
Tout simplement ce plomb nous plombe.
Devoir de mémoire, se souvenir du vivant, et non du mort.
Analysons ce mort, pour voir.
Ce qui est mort est uni dans la mort, il n’y a nulle distinction à opérer, contrairement à ce qui est vivant, polymorphe. Si nous voulons que la vie aille où elle doit aller, si nous voulons voir nos morts comme s’ils étaient vivants, il s’agit de prendre soin des vivants pour que cela se fasse.
Et passer.